vendredi 19 novembre 2010

Vivre pour comprendre

(Reality check, Kodiak)

Il est très facile d'avoir une perception erronée d'un événement lorsqu'il nous est décrit de l'extérieur avec un champ lexical spécifique et qu'on nous projette des images subjectives. Les mots s'enchaînent, mais peuvent prendre une connotation bien différente dépendamment du vécu, mais surtout de l'interprétation de chacun.

Mon texte Tabaski/Aïd-el-Kebir est un exemple de ce type de jugement hâtif qu'on émet lorsque, par manque d'informations sur un sujet précis, on se campe devant l'histoire qu'on nous a racontée.

Voici ma nouvelle version.

La fête de la Tabaski est la fête musulmane la plus importante et la plus populaire du Niger et de l’Afrique de l’Ouest. Malgré les années, elle reste une célébration familiale empreinte de bonté et de partage. Ce que fut autrefois notre Noël. En étant honnête, on peut reconnaître que le 25 décembre est devenu le lieu d’une foire commerciale où le gagnant est celui qui achète le plus et en plus grande quantité.

Bon ok, je joue les avocats du diable, mais tout ceux qui me connaissent savent bien que j'adore Noël et que c'est probablement ma fête préférée, celle que j'attends avec le plus d'impatience et que j'idéalise grandement. Un immense bonheur pour moi malgré tout ce qui l’entoure et que l’on peut critiquer. Or la Tabaski est restée beaucoup plus authentique à mes yeux d'observatrice. J’ai célébré cette fête dans 3 familles différentes ce qui m’a permis de saisir l’essence même de la cérémonie…

Très tôt le matin, on va à la Mosquée pour la prière de l’Imam. Aziz et sa famille sont les premiers à me recevoir. Chez eux, j’assiste à l’immolation. La tâche incombe à Aziz qui est le fils cadet de la maison. Ami et Rissy, ses sœurs sont à la cuisine et préparent la nourriture. On attend l’arrivée du dépeceur avant d’entamer l'écorchement pour que la viande soit la plus fraiche possible lors du découpage.

 

 

Tout est en place. On amène la première bête. On lui noue les pattes pour faciliter son maintien au moment de l’égorgement. Question de ne pas ensanglanter la ville toute entière, on a préalablement creusé un trou pour recevoir le sang des bêtes. Le couteau est bien aiguisé et extrêmement tranchant pour assurer une exécution rapide. Tout le monde est prêt, on tranche la première gorge. Aziz enfonce la dague dans le cou et sectionne la tête jusqu’à la moelle épinière.

Contrairement à mes attentes, le mouton ne bêle pas de douleur. Les seuls bruits qu’on entend sont celui du sang qui coule et qui se vide du corps animal et des ronflements de l’air qui s’échappe des poumons. Cela dit, les images peuvent être un peu troublantes étant donné que l’animal a des spasmes nerveux même une fois la tête tranchée, mais il faut rester conscient que la bête est bel et bien morte.

J’ai compris qu’on voue un grand respect à l’animal sacrifié. Par exemple, on ne tue pas une bête devant une autre. Les moutons attendent dans l’enceinte de la maison pendant qu’on égorge le premier animal. Ensuite, on doit dégager le site du corps mort pour la venue de la deuxième bête. L’animal ne doit pas voir son confrère qui a été abattu.
 

Pour ne rien perdre et faire un dépeçage efficace, on perce un petit trou dans la peau au niveau de la patte arrière. Ensuite, on souffle avec sa bouche par l'orifice pour faire décoller la peau en ayant pris soin de bien nouer le cou pour conserver l'air. L'animal devient tout gonflé et reprend une proportion normale voire sur-dimensionnée.
 
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Je mange un brin de galette de farine de blé et du poulet en sauce avec un verre de jus de tamarin, puis je file à ma deuxième réception.

La famille qui me reçoit cette fois-ci est celle de Fatima, ma patronne. Le repas est très copieux et il règne une belle ambiance familiale. La représentante a invité toutes mes collègues et leurs enfants. Tout le monde est content, c’est la fête et on mange bien. Il y a énormément de nourriture et Fatima s'assure que tout le monde est bien rassasié.
 
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Pour troisième lieu, je me dirige vers le dépeçage chez les cousines de Rachida. Sur mon chemin, je rencontre une bonne vingtaine de méchouis nigériens, installés ça et là. À la demeure, les femmes dépècent, trient et parcellent. C’est fascinant, tout est organisé et on ne gaspille rien. Tout peut se manger et tout se mange. On prépare des sacs de viande qui seront congelés, on nettoie les viscères, on étend le gras sur la corde à linge pour le faire sécher et l’utiliser ultérieurement pour la cuisson.
 

 

 

 
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Vraiment, en tout et pour tout, cette journée est des plus enrichissante. Je ne suis pas choquée comme je le croyais. Étrangement, je suis plutôt contente d’avoir eu la chance de partager un peu les coutumes de ceux que je côtoie tous les jours.

1 commentaire:

  1. « Allah akbar, Allah akbar,laa ilaaha illa Allah wa Allah akbar, Allah akbar wa lillahi al-hamd »; j'imagine que tu as entendu cela à plusieurs reprises à l'occasion de la Tabaski.
    Tout à fait juste ton texte, il faut toujours se mettre dans le contexte avant de porter un jugement, et toi tu as eu la chance de vivre un tel événement, merci d'apporter cette lumière. Chaque peuple, chaque religion a ses traditions, ses croyances qui peuvent paraître bizarre au regard des autres. Les mots clé: Tolérance et Ouverture

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