lundi 11 octobre 2010

Mena vs Pharaons

(The World is mine)

Au stade général Seyni Kountché, le premier match de foot de la saison 2010 se déroulant à Niamey a lieu ce dimanche à 15h30. Les fans de foot dans la capitale sont multiples. Les Gazelles (dit Mena en haoussa) n’ont apparemment aucune chance de remporter la victoire contre les triples champions de la CAN (Coupe d’Afrique des Nations), les Pharaons d’Égypte.

Arrivée au stade à 14h30
Revendeurs, fanas, escrocs, acheteurs, petits filous sont au rendez-vous. Le stationnement est plein. Les billets à 2000f ne sont, semble-t-il, plus disponibles. On finit par en trouver un qu'on doit payer 2500f en espérant que ça ne soit pas un faux.

Entrée sur le site
Les grilles pour accéder au stade sont fermées avec une chaîne et un cadenas. Cette mesure a été prise pour que l’accès au site soit plus difficile et du coup ralenti, ce qui permet un « contrôle » de l’entrée au stade. Les gens se pressent comme du bétail pour se faufiler dans l'entrebâillement de la porte. En fait, on doit écarter les chaînes et ensuite se glisser dans la mince brèche. Ce brouhaha est un paradis pour les détrousseurs et autres malfaiteurs. Le bordel total dans un état de confusion le plus intense. L'armée est présente assurant une surveillance des lieux. Heureusement ou malheureusement…

Les files d'attente pour passer le guichet sont non respectées, ou enfin, perçues comme optionnelles pour les gens qui se croient plus importants. Les autorités usent de leur pouvoir à grands coups de matraques pour disperser les dissidents. La tension est vraiment terrifiante, je suis mal à l’aise dans cette foule possédée. J’ai l’impression que tout peut exploser à tout moment. Je voudrais rebrousser chemin, mais les issues se referment sur moi. J’aurais autant d’obstacles à franchir pour revenir sur mes pas que pour continuer.

Les gens sont surexcités et crient à l'injustice. « Pourquoi certains ont un droit de passage spécial? » « La file, il faut respecter la file! »

Malgré tout, plusieurs connards essaient de passer devant les autres. Les indésirables, ou ceux qui n’ont pas de connexion avec les militaires, sont tabassés par les représentants de la loi. Le problème (et l’inquiétude de tous) est que si les canailles réussissent à entrer en premier et qu'il n'y a plus de place dans le stade, les derniers arrivés ne pourront pas assister au match, et ce, même s'ils ont payé leur billet à 10 000f.

Je réussis tant bien que mal à faire la file en me faisant pousser de tout bord tout côté et je mets enfin le pied dans le stade. La foule est monstre. Les « billets 500f » essaient de traverser les barrières pour venir dans les places 2000f à l'ombre. Certains réussissent, d'autres se font coincer et battre. Répression.

Dans le stade, la fébrilité est palpable. Les gens crient de plus belle, ils s’enthousiasment du match qui arrive. Les équipes font leur entrée. Une chèvre brune et noire, la mascotte des Nigériens entame la procession. Les acclamation fusent de partout quand les Mena paradent, tandis que les Égyptiens sont agressivement hués. À droite, sur le parterre, la fanfare claironne, tambours et trompettes. Dans la section gauche adjacente à la nôtre, une bande de scouts de la milice rivalise. Ils font du tapage avec leurs pieds et leurs mains et scande des hymnes pour encourager l’équipe locale. Ils tapent si fort que les estrades en tremblent.

À 15h30, le stade est plein à craquer, toutes les15 sorties sont bloquées, occupées par des supporteurs qui n’ont pas de place assise. Après une évaluation rapide de la situation, Michael et moi en venons à la conclusion que définitivement, si le feu prend, on brûle avec les meubles et le reste, aucun survivant n’est envisagé.

À l’heure pile, les « hostilités » commencent. Les vingt premières minutes de la première mi-temps du match ont été très serrées. Contrariés par une chaleur torride, les vingt deux acteurs parcourent de long en large la pelouse, mais aucune initiative dangereuse n’est tentée de part et d’autre du terrain. Certaines décisions arbitrales sont rudement désapprouvées. On lève les mains en les secouant comme si on voulait jeter un sort. Chaque fois qu’une tentative d’offensive au but est entamée, la foule bondit prête à hurler de joie ou d’effroi dépendamment de la zone concernée.

Coup de théâtre, à la 33ème minute de jeu, Maazou Ouwo s’élance sur le ballon et fusille le but du portier égyptien Essam El Hadary. Le but nigérien fait éclater d’ovations les 35 000 spectateurs réunis dans les tribunes du stade de Niamey. Les bouteilles d’eau sont lancées dans les airs, on secoue les liqueurs pour faire jaillir le contenu gazeux en ébullition. On crie, on saute, on perd la tête. Cette atmosphère de délire me gagne et je ris devant le double spectacle. C’est l’euphorie. Je me sens pour la première fois Nigérienne. Tellement fière que notre équipe ait marquée contre la jadis domination pharaonique.

Après la mi-temps, le Mena ne désouffle pas. Plusieurs tentatives des Nigériens manquent de peu le but adverse. Incapables de riposter, les Pharaons ont souffert le martyr jusqu’à la fin. Les 90 minutes écoulées, c’est officiel, le Mena National a battu les Pharaons d’Egypte dimanche le 10 octobre sur le score de 1 but contre 0.

À la sortie du stade, tout se passe relativement bien, à part les émanations de gaz des motos et des voitures qui empestent le parking, l’heure est plutôt aux réjouissances. Le manque de patience et de tolérance du début s’est complètement dissipé.

Les gens sont heureux et festoient dans les rues. Banderole, klaxon, tout est permis. Si bien que le lendemain dès les petites, on chantonne encore dans les rues et avenues à la victoire du Niger.

1 commentaire:

  1. Bonjour Sylvie-Ève,

    Fana de soccer, toi ?

    Ton récit de la foule qui pousse, pousse tellement fort m'a rappelé la veille du 14 juillet 1999 à Paris. Tu te souviens ?

    Près de la Tour Eiffel, il y avait tellement de monde.

    Bien content que ton équipe ait gagné. Imagine au retour des Nordiques !!!

    Prends bien soin de toi !

    Je t'aime !

    xoxo

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